jeudi 17 septembre 2009

Idées à développer 1

Quelques autres applications du Web 2.0 serait-il possible de réunir dans une seule méta-application? Comme un monde parallèle, un territoire parallèle, dans l'idée d'un territoire imaginaire de la culture (Malraux)...
Par exemple, ViaMichelin, une application sur le site des guides Michelin, permet de créer des albums de voyages multimédias, d'inviter des amis, de les publier dans Internet.
Commentaire: en fait, plusieurs applications de ce genre, Mon Musée, Ma Bibliothèque, Mon Michelin, Mon Youtube sont a peu près construits sur le même modèle de réseautage, de contribution, de collaboration, de blogue, etc., mais adapté à un univers culturel particulier: voyage, lecture, musée, musique, etc.
On pourrait imaginer un seule super-application qui donne le choix de créer tel ou tel type d'application personnalisée. Pour une bibliothèque, vocabulaire du livre, de l'édition, base de données thématiques. Michelin permet de chercher dans les infos de ses très nombreux guides et de les ajouter à ses propres voyages. On crée ainsi des circuits-parcours, et sans doute puiser dans la banque d'images que d'autres "amis-voyageurs" ont ajouté.
Comme pour Wikipédia, on peut très bien imaginer une version ViaMichelin pour les voyages fictifs, les livres de récits de voyages fictifs.

L'utilisation des applications du web 2.0 est trop tournée vers les contemporains, les usagers réels. C'est normal parce que les contributeurs-collaborateurs doivent être des usagers actifs. Cependant, les usagers réels d'aujourd'hui pourraient se créer des avatars ou mieux, devenir des sortes de parrains-tuteurs au service de personnages fictifs ou des personnages historiques morts pour recréer leur monde à eux, fictifs ou oubliés.
Pourquoi ne pas créer une sorte de programme "d'adoption virtuelle". Un usager réel d'aujourd'hui adopte-emprunte l'identité d'un être fictif ou mort et travaille à lui donner une réalité numérique.
En ce moment, la dimension participative du web 2.0 encourage un certain narcissisme: on parle de soi, que de soi...

Une observation générale: le transfert numérique de l'imprimé, des archives sonores et visuelles ramène à la "vie", dans l'actualité un quantité immense de documents et d'oeuvres. D'un autre côté, les contemporains d'Internet, surtout les nés-numériques, créent une quantité encore plus grande, plus rapidement de documents de toutes sortes. Facebook contiendrait déjà 5 milliards de photos???

Donc, les productions nées avant l'ère numérique vont représenter une proportionde plus en plus petite dans l'ensemble des documents en ligne. Dans une dizaine d'années, l'univers pré-numérique, même transféré entièrement sur support numérique, va être engloutie, enterrée sous des masses de documents nés numériques. Un contemporain quelconque, né dans l'ère numérique, aura accès à plus d'informations sur lui-même qu'il n'y en aura jamais sur les plus grands personnages de l'histoire pré-numérique.

En ce sens, la numérisation du pré-numérique n'est pas l'équivalent d'une présence, d'une ré-actualisation d'un document ou de la mémoire. Il faut qu'elle s'accompagne d'une entreprise de vivification, d'une re-personnalisation, d'une ré-incarnation en quelque sorte ou, comme le disait Ferron, de "repiquage". Le mot "virtuel", dans son sens propre de "possibilité", est central. La numérisation donne une possibilité d'existence, une possibilité de lecture, mais n'est ni l'existence et ni la lecture.
La situation des informations à l'intérieur d'une base de données est particulièrement intéressante sur ce plan. C'est uniquement la requête-demande d'un usager qui fait advenir l'information, affiche le document, met en action le clip, démarre la diffusion. Sans sa participation directe, il n'y a rien.

mercredi 2 septembre 2009

1960 a(aura) 50 ans

Il n'y a pas d'autres dates-années plus célèbres dans l'histoire du Québec. 1960 est aujourd'hui même plus marquante que 1760 ou 1837...
1960 sert et a servi à tracer une frontière entre un avant et un après que symbolise le fameux "Désormais" de Paul Sauvé. Un partage historique, sociologique, démographique (fin du baby-boom), économique, national, politique, littéraire, culturel... En fait, l'histoire de tous les domaines de la vie québécoise est traversée par 1960, comme 1789 pour la France. Au Québec, à côté de 1960, 1968 a d'l'air d'un phénomène de surface ou d'une crise d'adolescence.

Mais 1960 est surtout un discours, littéralement un mythe (mythos).

Autant pour ceux qui y voit le début lyrique de la Révolution tranquille que pour ceux qui contestent cette périodisation en insistant sur les signes avant-coureurs et sur la continuité de certaines réalités bien au-delà de 1960. Peu importe ces divergences interprétatives, cette année-là reste un jalon incontournable. La bibliographie des titres d'articles et de livres dans lesquels apparaît cette date serait gigantesque.

Si 1960 est connu, c'est d'abord par le discours et le sens qu'on lui a donné, bien plus que par la mémoire de ce qui s'est passé et réellement vécu cette fameuse année. Il y a bien la mort de Duplessis, en 1959, le bref règne de Sauvé, mais pour le reste, de quoi se souvient-on de 1960?

Autre chose. Il y a un discours dominant sur 1960, une idéologie dominante, des souvenirs dominants sur 1960: ce sont ceux du groupe qui l'a d'abord amorcée, mais surtout ceux du groupe qui a réalisé la Révolution tranquille, avant d'en profiter, comme disent plusieurs aujourd'hui.

Que savons-nous des perceptions qu'ont eu de 1960 les gens qui cette année-là avaient 75 ans, 65 ans, 50 ans, 40, 30 ans... Ceux qui ont eu 20 ans en 1960, on risque fort de la connaître. Si nous prenions la pyramide d'âge en 1960, nous verrions peut-être que nous avons surtout la vision d'une minorité, appelée à devenir une majorité, mais qui ne l'était pas encore. Ainsi, le souvenir, l'interprétation et la signification qu'a eu 1960 pour la majorité de la population nous seraient inconnues ou presque.

Si on ajoute à cela comment ces changements ont modifié les rapports entre les groupes socaiux (les classes!), on verrrait qu'il y a des groupes qui ont eu très peu de voix au chapitre ou que leur voix est maintenant oubliée. On connaît par coeur le discours anti-clérical de cette période; que savons-nous de l'expérience qu'ont vécu, pour prendre l'exemple correspondant, les membres des communautés religieuses?

Même chose pour 1968, en un certain sens, ce qu'on connaît surtout c'est la parole de la jeunesse révoltée, mais que savons-nous réellement du "vécu parental" pendant le conflit des générations? On en sait ce que leurs enfants en ont dit. Comme objectivité faudrait trouver mieux.
Le lyrisme de cette génération, c'est un peu cela. Mais un lyrisme peut-il être encore lyrique quand il devient dominant? Lyrisme dominant, cela fait un bel ozymoron dont on pourrait attribuer la paternité anachronique à François Ricard.

Donc 1960 aura 50 ans...

Les objectifs de ce projet seraient de regrouper en un seul site Internet l'ensemble, la totalité des archives (qui ont été conservées!) sur cette année 1960: tous les imprimés (livres, périodiques...), toutes les émisions de radio, toutes les émissions de télévision, tous les films, toute la musique, tous les spectacles, toutes les pièces de théâtre, toutes les correspondances, tous les documents de la vie économique, toutes les statistiques, etc. À quoi, il faudrait ajouter les archives privées de tous les volontaires qui accepteraient de les mettre en ligne. Aussi, on y ajouterait ce qui est trouvable dans les archives étrangères et qui ont parlé du Québec. C'est-à-dire l'utopique projet d'une archive totale d'une année.

La totalité est utopique, parce qu'il manque au départ tout ce qui n'a pas été conservé. Alors l'utopie serait de ne pas pouvoir même réunir ce qui a été conservé. Est-ce une question de la taille des archives envisagées? Non, il y a déjà des bases de données qui contiennent plus d'informations et de documents que pourrait en contenir ceux de 1960. Google, Youtube, Flickr, Facebook et d'autres sites qui gèrent et mettent en ligne une quantité astronomique de documents consultés par plus d'usagers par jour qu'il y a d'habitants au Québec et même au Canada! Ce n'est pas une utopie technologique. Financière? Ça pourrait coûter cher, disons 100 millions (et là j'exagère), soit 1 km de métro! Pour .2 ou .3 km de métro, on aurait un projet pas mal bien parti...

Donc, une sorte d'archives quelque peu imaginaires parce qu'une grande partie de ce corpus n'était certainement pas connue au Québec en 1960. Aussi, encore, la totalité des références à l'année 1960 dans la culture et littérature québécoise, une sorte de "1960 à travers les âges". Plus, encore et encore, la cueillette des archives audio-visuelles des souvenirs de 1960 par ceux qui l'ont vécu directement, et ceux qui en ont entendu parlé. Par exemple, on peut penser à programme d'interviews de personnes nées après 1960 et leur demander ce qu'ils savent de 1960 et non seulement ce qu'ils en pensent.

En fait, il s'agit un peu de donner à 1960 une "second life".

Impossible, voyons voir...

Archives de Radio-Canada et de CBC: la totalité de 1960
BAnQ: la totalité de l'imprimé de 1960 (en collaboration avec La Presse, Le Devoir, etc...)
Autres archives de l'imprimé: Google -Livre, BNF, BAC, etc...
Cinémathèque et ONF: tous les films
Youtube: Québec - 1960
Musique: sites de musique en ligne, Itune, numérisation du corpus québécois
Web: inventaire, répertoire complet de "1960 - Québec"

lundi 25 mai 2009

Projets d'encyclopédies diverses

À rebours:
- à une certaine époque: au temps de Platon, Christ, Moyen-âge

Négative:
- une encyclopédie du "contre": exemples, dans la bibliographie ferronienne les résultats seraient tout ce qu'on a écrit contre lui et ses oeuvres, etc.: contre Platon, contre la beau, contre la Chine, contre les Encyclopédistes, contre les chats...

Métaphorique:
- inspiré du Bateau ivre et de la connaissance née de la métaphore qui unit deux termes souvent inusités, moins arbitraires que la rencontre d'une machine à coudre et d'un parapluie proposé par les Surréalistes, mais un peu dans le même esprit;
- inspiré de l'usage de la métaphore dans les différents courants littéraires: l'encyclopédie du romantisme n'est pas l'encyclopédie romantique
- on pourrait imaginer d'autres encyclopédies inspirés de d'autres figures de rhétoriques: métonymie (n'est-ce pas le modèle dominant de "l'hyper-lien" qui nous mène à la continuité, à la contiguïté: un lien sur "Louiseville" nous mène à Louiseville. Dans l'encyclopédie métaphorique ferronienne, Louiseville nous mènerait au mythe du Paradis perdu, de la scène primitive (le feu de l'église, la mort de la mère)...

Diagonale:
- inspiré par l'esthétique généralisée de Caillois, il s'agit de tracer des lignes de sens entre des disciplines séparées-isolées dans par les encyclopédies traditionnelles ou reconnues
- Caillois le fait très bien quand il rapproche les dessins incrustés dans les pierres de l'art abstrait moderne pour proposer que plus l'artiste semble renoncer à sa volonté téléologique de faire oeuvre plus l'esthétique de celles-ci se rapprochent de ce que fait la nature (dans les roches ou sur les ocelles de papilllons) involontairement ou selon les lois objectives de la physique et du hasard

Le hasard comme encyclopédie:
( le hasard existe-t-il toujours comme concept dans le philosophie ou la bioloogie, en pensant au fameux titre de Laborit (?) sur le Hasard et la nécessité...)
- dans la vie, le "hasard" est productif, que produit-il dans le domaine de la connaissance?

Ethnologique (en suivant les leçons de la Pensée sauvage de Lévi-Strauss):
- réunir les connaissances des peuples ethnologisés pour les faire connaître;
- surtout s'inspirer de leurs systèmes de classement et de classification des savoirs et des pratiques pour construire à partir cette fois-là des savoirs contemporains la Nouvelle encyclopédie bantoue ou Boroboro.
- d'ailleurs une encyclopédie de l'anthropologie appuyé sur les travaux de Malinowski, Mead et autres, serait fascinante, construite à partir de leurs archives, qui me semblent un domaine des chantiers de numérisation peu développé.

Littéraires:
- idée simple, présenté l'encyclopédie des connaissances à travers l'univers esthétique et culturel de grands auteurs: Dostoïevski, Rabelais, Camus, Paz, Ducharme, etc.
- par exemple, c'est peut-être l'encyclopédie rabelaisiennet qui est la plus facile à saisir: vision carnavalesque, drôle, pleine de "merde joyeuse"

Ces différents projets tournent un peu autour de l'idée de substituer le substantif par le qualificatif. Non pas une encyclopédie du romantisme mais une encyclopédie romantique; non pas celle de l'univers de Ferron mais une encyclopédie ferronienne. Point de vue qui rejoint celui du concept de "vision du monde", d'une manière particulière qu'une oeuvre redéploie-réorganise autrement des éléments déjà connus.

Ivre (clin d'oeil à Jacques Dufresne qui aime rappeler qu'il a mis un lien vers "Le bateau ivre" de Rimbaud dans son dossier sur l'eau dans l'Agora)
- prendre le système d'images et de métaphores utilisées par Rimbaud pour créer, par une réorganisation des matériaux linguistiques, un bateau ivre, un bateau-monde. L'ivresse étant ici peut-être la dérive sémantique des mots hors de leur catégorie encyclopédique habituelle. La métamorphose de l'eau suit une série de rencontre-lien avec d'autres mots: ce sont ces liens (inattendus et surprents) qui créent le symbolisme.

On peut dire aussi que dans ces projets, il y a aussi un peu l'idée des pastiches, de s'inspirer d'un style, d'une époque, d'un point de vue pour proposer une nouvelle réorganisation des connaissances à travers soit ce style, cette époque ou de ce point de vue. Queneau a fait les exercices de styles, il pourrait y avoir les exercices encyclopédiques.

Autre Grand Inspirateur serait Malraux et son Musée imaginaire et sa série sur l'histoire de l'art: Le Surnaturel, l'Irréel, l'Intemporel. Vraiment à relire ses textes où il explique sa démarche.

Faudrait penser aussi à une encyclopédie vue par les mathématiques, une sorte d'encyclopédie de la mesure et du nombre (et toujours pas une encyclopédie des maths). En ce sens, à quoi pourrait correspondre un autre regard sur l'encyclopédie de la mort (celle de l'Agora), pas son contraire, une sur la vie, mais une sorte d'"encylopédie mortelle" ou plutôt une "encyclopédie de la fin": de la vie humaine (c'est fait), mais des animaux, des villes, des machines, des peuples... Bertrand Gervais a travaillé beaucoup sur l'imaginaire de la fin, mais c'est à autre que cette idée devrait mener.

Titre d'un projet de livre: La machine à wiki, Exercices d'encyclopédie, Voyages probables dans l'inconnu, Le Je ne sais et le Tu ne sais rien (en hommage à Jankélévich)